tel

Illustration jurisprudentielle des fautes susceptibles ou non de fonder le prononcé du divorce aux torts partagés des époux

La Cour d’Appel de Paris a statué sur les circonstances permettant de retenir ou non l’existence de griefs justifiant le prononcé du divorce pour faute. Par Mathilde MOREAU, Avocat associé au sein du cabinet IPSO FACTO AVOCATS à Nantes.

Le Cabinet IPSO FACTO AVOCATS est situé à NANTES. Ses membres conseillent et assistent particuliers, professionnels et institutionnels notamment en droit des personnes, de la famille et de leur patrimoine, en droit du travail et de la protection sociale, en droit immobilier.

***

Rappel de ce que prévoit la loi en matière de divorce pour faute

 L’article 242 du Code civil dispose que :

 « Le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune. »
 
Outre la nécessité de pouvoir imputer la faute à son époux (ce qui ne peut être le cas lorsque les faits qui lui sont reprochés trouvent leur explication dans son état mental), le prononcé du divorce à ses torts implique de rapporter la preuve que les deux conditions prévues par le texte sont réunies, à savoir :
  • l’existence d‘une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage,
  • le fait que cette violation ait rendu intolérable le maintien de la vie commune.
L’article 245 du Code civil précise lui que :

« Les fautes de l’époux qui a pris l’initiative du divorce n’empêchent pas d’examiner sa demande ; elles peuvent, cependant, enlever aux faits qu’il reproche à son conjoint le caractère de gravité qui en aurait fait une cause de divorce.
Ces fautes peuvent aussi être invoquées par l’autre époux à l’appui d’une demande reconventionnelle en divorce. Si les deux demandes sont accueillies, le divorce est prononcé aux torts partagés.
Même en l’absence de demande reconventionnelle, le divorce peut être prononcé aux torts partagés des deux époux si les débats font apparaître des torts à la charge de l’un et de l’autre. »

Par conséquent, s’il est rapporté la preuve que l’un des époux seulement a violé de manière grave ou renouvelée les devoirs et obligations de manière à rendre intolérable le maintien de la vie commune, le divorce pourra est prononcé à ses torts exclusifs.
 
Mais s’il est démontré que l’autre époux a également commis de tels faits, le divorce pourra être prononcé aux torts partagés des deux époux, même en l’absence de demande expresse formulée par l’époux défendeur.  
 

L’adultère d’un époux est-il systématiquement fautif ?

Dans l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 17 novembre 2016 (17 nov. 2016, n° 14/14482 : JurisData n° 2016-0024336), les juges du fond ont tout d’abord  considéré que le fait que le mari ait pu tenir des conversations sexuelles ouvertement alors que sa femme était à ses côtés ou qu’il ait pu parler de clubs échangistes et qu’il ait pu proposer à une amie de sa femme de se revoir, témoignait d’une conception des rapports conjugaux qui ne pouvait constituer un manquement aux obligations du mariage que si elle n’était pas partagée par l’autre.
 
Ainsi, ce comportement, partagé par les époux, ne pouvait pas être retenu comme rendant intolérable le maintien de la vie commune et ne pouvait donc justifier le prononcé du divorce aux torts de l’époux.

En revanche, sa faute était démontrée par le fait que le mari ne contestait pas s’être engagé dans une nouvelle relation amoureuse après la séparation.

De la même manière, le fait pour l’épouse d’avoir multiplié les relations sexuelles avec d’autres hommes était  fautif.

Il convient en effet de rappeler que l’obligation de fidélité perdure au-delà de la séparation des époux, de telle sorte que l’entretien d’une relation adultère constitue un motif de divorce aux torts de l’époux adultère, et ce même si l’autre n’y attache aucune importance.

Quelles conséquences du divorce pour faute en cas d’adultère ?

Dans cette affaire, la Cour d’Appel a approuvé la décision du premier juge qui avait rejeté les demandes de dommages-intérêts des époux fondées sur l’article 1382 du Code civil en retenant que le divorce était prononcé aux torts partagés.

En effet, compte tenu de la nature singulière de leur rapport mutuel au sexe pendant leur vie commune, aucun des deux époux n’était parvenu à convaincre la Cour du préjudice que lui aurait causé la liberté de l’autre sur cet aspect.

La Cour d’Appel a également confirmé le rejet de la demande de dommages-intérêts formulée par l’époux sur le fondement de l’article 266 du Code civil, en considérant que celui-ci ne pouvait prétendre avoir subi des conséquences d’une particulière gravité en raison de la dissolution du mariage alors même qu’il avait été en mesure de s’engager dans une autre relation amoureuse avec une autre femme trois mois seulement après la séparation.