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La portée de l’annulation d’une assignation pour vice de procédure au regard de l’interruption des délais de prescription et de forclusion

L’effet interruptif de prescription de l’assignation nulle, par Matthieu CAOUS-POCREAU, avocat associé au sein du cabinet IPSO FACTO AVOCATS


Les effets de principe d’une assignation à l’égard des délais de prescription et de forclusion


Aux termes du premier alinéa de l’article 2241 du Code civil, « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ».
 

Les effets de l’annulation d’une assignation sur les délais de prescription et de forclusion précédemment interrompus

 
Le premier alinéa est suivi d’un second, aux termes duquel il est précisé que cette interruption du délai de prescription et de forclusion par une demande en justice vaut même lorsque ladite demande « est portée devant une juridiction incompétente » (point de procédure généralement assez connu des plaideurs), mais également « lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure », ce qui est, cette fois, beaucoup moins souvent relevé. 
 

La distinction entre annulation pour vice de forme et annulation pour irrégularité de fond

 
Evoquant sans précision la notion de « vice de procédure » renvoie immanquablement à la distinction entre vice de forme (articles 112 à 116 du code de procédure civile) et vice (ou irrégularité) de fond (articles 117 à 121 du code de procédure civile).
 
La question sous-jacente est évidemment la suivante : un exploit introductif d’instance annulé pour irrégularité de fond fait-il disparaître l’effet interruptif de la prescription ou de la forclusion que sa délivrance avait entraîné ?
 
L’on aurait tendance à répondre par l’affirmative dès lors qu’une irrégularité de fond affecte la validité même de l’acte, ainsi qu’en dispose l’article 117 du code de procédure civile
 
Suivant ce raisonnement, la cour d’appel d’ANGERS avait, par arrêt rendu le 21 janvier 2014, retenu que la nullité de fond entachant l’assignation pour défaut de constitution d’un avocat inscrit au barreau du tribunal saisi ne constituait pas un simple vice de procédure susceptible d’être régularisé en cours d’instance, et que la régularisation intervenue par conclusions signifiées après la date d’expiration du délai de la forclusion en l’espèce encourue n’avait pas eu pour effet de couvrir cette nullité initiale.
 
Cet arrêt a été cassé par un arrêt rendu le 11 mars 2015 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi 14-15198), avec un attendu de principe dénué de toute ambiguïté et qui mérite d’être cité ici in extenso : 
 
« Qu’en statuant ainsi, alors que l’article 2241 du code civil ne distinguant pas dans son alinéa 2 entre le vice de forme et l’irrégularité de fond, l’assignation même affectée d’un vice de fond a un effet interruptif, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
 
Si les choses ont ainsi le mérite d’être parfaitement claires, il est loisible de s’interroger sur le point de savoir quel peut être désormais l’intérêt de soulever la nullité d’une assignation
 

Sur la portée du principe selon lequel l’assignation même affectée d’un vice de fond a un effet interruptif

 
En réalité, de deux choses l’une :
  • Soit, à la date à laquelle cette assignation éventuellement nulle a été délivrée, la prescription ou la forclusion encourues étaient déjà acquises, et dans ce cas c’est sur le terrain de cette fin de non-recevoir qu’il faut se situer, et non sur celui de la nullité de l’exploit introductif d’instance ; 
  • Soit l’assignation éventuellement nulle a bien été délivrée dans le délai de la prescription ou de la forclusion encourues, et dans ce cas sa nullité ultérieurement prononcée n’effacera pas l’effet interruptif découlant de sa délivrance, de telle sorte que le demandeur pourra reprendre sa procédure annulée par la voie d’une nouvelle assignation sans s’exposer à une fin de non recevoir.
Assignez, assignez, il en restera (presque) toujours quelque chose…
 
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