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La requalification d’un statut de travailleur indépendant en un contrat de travail

Conjoncture économique aidant sans doute, la tentation pour certains travailleurs indépendants de solliciter la reconnaissance par le Conseil de Prud’hommes de l’existence d’un contrat de travail, et donc d’un statut de salarié, est parfois grande.

Il y a plusieurs manières d’exercer une activité professionnelle : contrat de travail ou travailleur indépendant (profession libérale, auto entrepreneur, agent commercial, etc…).
 
Chacune a ses avantages et ses inconvénients.
 
Mais il y a le cas d’un certain nombre de travailleurs faussement indépendants et qui se trouvent placés dans une situation de salariat déguisé, un contrat en cachant un autre.
 
C’est la situation dans laquelle peuvent se trouver certains agents commerciaux ou auto-entrepreneurs qui, loin d’exercer leur activité de manière indépendante et libre, se trouvent dans une véritable situation de subordination vis à vis de leur donneur d’ordre.

Il arrive notamment que le donneur d’ordre subordonne la collaboration à un statut d’indépendant après avoir pourtant fait miroiter un contrat de travail.

Et ce n’est pas le fait par exemple de conclure un contrat très clairement nommé « contrat d’agent commercial » et renfermant toute les mentions habituelles d’un tel contrat qui fera disparaître le risque de requalification.
 
En effet, la jurisprudence retient depuis longtemps que l’existence d’un contrat de travail ne dépend ni de la volonté des parties, ni de la qualification donnée à la prestation effectuée, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur.
 
Autrement dit, la réalité du terrain prime sur le contrat.
 
Pour rappel, un contrat de travail se caractérise par :
 
  • Une prestation de travail…
  • … réalisée dans le cadre d’un lien de subordination…
  • … en contrepartie de laquelle une rémunération est versée.
Il se caractérise donc par la réalisation d’un travail dans un lien de subordination juridique permanente.
 
Dès lors que ces critères sont réunis, une collaboration professionnelle s’inscrit dans le cadre d’un contrat de travail.
 
A l’inverse, l’agent commercial est un:
 
« mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale » (Art. L. 134-1, du Code de commerce).
 
De même, l’auto entrepreneur est un travailleur indépendant qui prend l’initiative de créer ou de reprendre une activité, en conservant pour son exercice la maîtrise de l’organisation des tâches à effectuer et du matériel à utiliser, ainsi que la recherche de la clientèle ou de fournisseurs (Réponse ministérielle, n° 7103, du 6 août 2013).

Parmi les indices permettant de distinguer une activité véritablement indépendante d’une activité qui ne l’est pas :
  • L’initiative même de la déclaration en travailleur indépendant, une démarche non spontanément n’étant a priori pas compatible avec une activité véritablement indépendante) ;
  • Un donneur d’ordre unique ;
  • Le respect d’horaires ;
  • Le respect de consignes autres que celles strictement nécessaire aux exigences de sécurité sur le lieu d’exercice, pour les personnes intervenantes ou bien pour le client
  • Une facturation au nombre d’heures ou en jours ;
  • L’intégration à une équipe de travail salariée ;
  • La fourniture de matériels ou d’équipements.
Ces critères sont ceux qui ont été énoncés récemment dans le cadre d’une réponse ministérielle concernant les auto-entrepreneurs. Pour autant, les mêmes critères sont transposables à l’agent commercial.

Dans le cadre d’une action en reconnaissance d’un contrat de travail, le demandeur devra lutter contre une présomption de non salariat, découlant de son immatriculation notamment au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers ou au registre des agents commerciaux.

Il importe donc pour le « candidat » à la requalification de pouvoir disposer d’éléments précis sur le plus grand nombre possible des indices énumérés ci-dessus.

A l’inverse, le donneur d’ordre devra pouvoir démontrer l’indépendance de son cocontractant dans l’exécution de son activité.

Que se passe-t-il en cas de requalification ordonnée judiciairement?

Le donneur d’ordre révélé employeur devra régulariser l’ensemble de la situation: versement de salaires, cotisations, émission des documents sociaux, éventuellement versement de dommages et intérêts.