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Résiliation judiciaire et violation du statut protecteur du représentant du personnel

Par arrêt du 28 octobre 2014, la Cour de cassation confirme que la protection acquise après une demande de résiliation judiciaire n’a pas d’effet sur la rupture du contrat de travail

Un certain nombre de salariés, et notamment ceux titulaires de mandats de représentation du personnel, bénéficient d’une protection contre le licenciement.


En quoi consiste cette protection contre le licenciement ?
 
L’employeur à l’obligation d’obtenir au préalable une autorisation de l’inspection du travail.
 

Combien de temps dure cette protection contre le licenciement ?
 
Cette protection contre le licenciement dure tout le temps de la durée du mandat, plus une période de protection après son expiration. Ainsi par exemple le délégué du personnel sera protégé pendant les 4 ans de son mandat, plus 6 mois (art. L. 2411-5 du Code du travail).
 

Quels sont les salariés concernés par cette protection contre le licenciement ?
 
Sont notamment concernés les mandats de : délégué syndical, délégué du personnel, membre élu du comité d’entreprise, conseiller prud’hommes … La liste complète des salariés ainsi protégés (qui n’est d’ailleurs pas limitée aux seuls salariés titulaires de mandats) contre le licenciement figure à l’article L. 2411-1 du Code du travail.
 

Quelles sont les conséquences de la violation du statut protecteur ?
 
Le licenciement qui est prononcé en violation de cette protection (malgré une décision de refus d’autorisation, ou bien en l’absence de décision de l’inspecteur du travail) est nul et fait encourir à l’employeur de lourdes sanctions, tant sur le plan civil que sur le plan pénal.
 
Le salarié concernant pourra soit dans certains cas solliciter sa réintégration au sein de l’entreprise (réintégration qui s’impose à l’employeur), soit une indemnisation financière comprenant notamment une indemnisation pour violation du statut protecteur.
 
L’indemnité pour violation du statut protecteur peut être d’un montant très élevé puisqu’égale à la rémunération qui aurait été perçue jusqu’à l’expiration de la protection.
 
L’indemnité peut donc représenter plusieurs années de salaires.
 
Ces règles s’appliquent en cas de licenciement, mais le contrat de travail peut être rompu autrement que par licenciement.
 

Cette protection s’applique-t-elle en cas de demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ?
 
En cas de résiliation judiciaire, le salarié saisi le Conseil de Prud’hommes alors que son contrat de travail est en cours et demande au juge de prononcer la rupture du contrat au motif de fautes graves qu’il reproche à son employeur.
 
Si le Conseil de Prud’hommes considère que les fautes invoquées sont établies et graves, il prononce la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur et les règles d’indemnisation du licenciement abusif ou sans cause réelle et sérieuse s’appliquent.
 
Dans certaines situations, la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement nul.
 
Ce sera notamment le cas en cas de harcèlement moral.
 
Ce sera également le cas en cas de violation du statut protecteur évoqué ci-dessus.
 
La résiliation judiciaire est donc un mode très particulier de rupture puisque le salarié s’en remet au juge et que le contrat de travail continue de s’exécuter pendant la procédure prud’homale.
 
Dans la mesure où une procédure prud’homale peut s’étendre sur de nombreux mois, divers événements peuvent survenir et avoir le cas échéant des incidences sur la procédure en cours.
 
La question se pose alors de savoir si la protection va s’appliquer dans le cas d’un salarié qui ne l’obtient qu’au cours de la procédure judiciaire.
 
Le salarié doit-il bénéficier d’une indemnisation au titre d’un statut protecteur dont il ne disposait pas lorsqu’il a engagée la procédure judiciaire ?
 
A cette question, la Cour de cassation répond par la négative : le salarié ne bénéficie pas du statut protecteur car sa situation s’apprécie au jour où il présente sa demande de résiliation judiciaire.
 
Cette solution avait déjà été dégagée dans des arrêts des 4 mars 2009 et 13 février 2013 (n°07-45344 et n°11-26913).
 
Dans un arrêt du 28 octobre 2014 (n°13-19527) , la Cour de cassation applique cette règle au cas d’un salarié qui, un mois après avoir saisi le Conseil de Prud’hommes en résiliation judiciaire pour non paiement de salaires, est désigné délégué syndical.
 
La Cour de cassation approuve la Cour d’appel qui avait considéré que la résiliation judiciaire ne produisait pas les effets d’un licenciement nul, mais uniquement ceux d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
 
Par conséquent, le salarié ne pouvait pas obtenir l’indemnisation prévue pour violation du statut protecteur.



Nicolas BEZIAU est Avocat à Nantes en droit du travail. Il conseille, assiste et défend quotidiennement des salariés et des employeurs sur l’ensemble des problématiques attachées à la formation, l’exécution et la rupture de contrats de travail.