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FOCUS sur la consultation par l’employeur des messages échangés par un salarié au moyen des outils mis à sa disposition

La Cour de cassation retient que le SMS envoyé ou reçu au moyen du téléphone mobile professionnel est présumé avoir un caractère professionnel et peut être consulté par l’employeur

Pendant plusieurs jours les médias en tous genres ont réservé un écho tout particulier à un arrêt rendu par la Cour de cassation portant sur la consultation par l’employeur des SMS échangés par ses salariés sur leur téléphone portable professionnel.
 
Battage autour d’une nouveauté qui en réalité n’en est pas véritablement une.
 
En réalité, l’ « alerte médiatique » apparaît bien plus lié au fait que nombreux sont ceux qui ne posent toujours pas de frontière claire entre vie privée et vie personnelle en faisant un usage très largement mixte de leurs outils professionnels.
 
Car la solution n’est absolument pas nouvelle au regard des décisions qui ont déjà pu être rendues au sujet du contrôle des courriels, des fichiers informatiques, et des supports informatiques (disques durs, clefs USB).
 
En effet, dès 2010, la Cour de cassation a retenu que les courriels envoyés et reçus par un salarié grâce à sa messagerie professionnelle pouvaient être ouverts et consultés en dehors de sa présence par l’employeur, à condition qu’ils ne soient pas identifiés comme étant personnels.
 
Cass. Soc. 15 décembre 2010, n°08-42486
Cass. Soc. 16 mai 2013, n°12-11866
 
Autrement dit, le courriel adressé depuis moi@monadresseprofessionnel.fr était présumé avoir un caractère professionnel, sauf à ce que le salarié ait pris le soin d’indiquer, par exemple dans le champ « Objet », une indication explicite comme « PERSONNEL »
 
Solution appliquée à l’identique un peu plus tôt en ce qui concerne les fichiers informatiques enregistrés sur l’ordinateur mis à la disposition du salarié, ou bien sur une clés USB également mise à la disposition du salarié par son employeur.
 
Cass. Soc. 18 octobre 2006, n°04-48025
Cass. Soc. 10 mai 2012, n°11-13884
Cass. Soc. 12 février 2013, n°11-28649
 
Les préconisations données aux salariés à l’époque étaient de stocker les fichiers personnels dans un dossier précisément appelé « PERSONNEL ».
 
Cet ensemble de décisions permettait déjà de comprendre assez clairement que tous les outils professionnels mis à la disposition du salarié, pour lui permettre d’effectuer son travail, étaient concernés par la présomption évoquée, et donc la possibilité d’une consultation.
 
Dans ce contexte, l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 10 février 2015 n’apparaît nullement révolutionnaire, mais s’inscrit tout au contraire dans la continuité des précédentes décisions.
 
Bref résumé de cette affaire.
 
Il s’agissait à la base d’un conflit entre 2 sociétés, l’une reprochant à l’autre d’avoir massivement débauché ses collaborateurs.
 
La société ayant connu cette hémorragie a alors entendu préparer un dossier en concurrence déloyale et à ce titre, avait obtenu l’autorisation par un juge de faire réaliser des constats par huissier notamment sur les téléphones portables professionnels de ses anciens salariés.
 
A l’occasion de cette affaire, la chambre sociale a rendu l’avis suivant: (13 novembre 2014, avis ° 1314779)
 
« les messages écrits (« short message service » ou SMS) envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels ; il en résulte que le production en justice des messages n’ayant pas été identifiés comme étant personnels par le salarié ne constitue pas un procédé déloyal ».
 
L’avis précise par ailleurs que les dispositions du règlement intérieur ne peuvent pas remettre en cause cette règle.
 
Rien de nouveau donc, si ce n’est la question suivante : comment préciser le caractère personnel du SMS en l’absence du champ « OBJET » ?
 
Il est exact que la Cour de cassation ne répond pas à cet aspect purement technique et qui au demeurant n’a rien d’insurmontable à priori.
 
En effet, la solution apparaît tout simplement de commencer le message par : « PERSONNEL »… 

Mais on n’insistera jamais assez sur le fait que le rempart le plus efficace à toute mauvaise surprise reste de limiter, pour ne pas dire arrêter, l’usage mixte (personnel / professionnel) des outils professionnels.



Nicolas BEZIAU est Avocat à Nantes en droit du travail. Il conseille, assiste et défend quotidiennement des salariés et des employeurs sur l’ensemble des problématiques attachées à la formation, l’exécution et la rupture de contrats de travail.