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Une preuve illicite ou obtenue de manière déloyale peut-elle être produite devant le Conseil de Prud’hommes?

La jurisprudence civile a évolué ces dernières années, et tend aujourd’hui à accepter de multiples modes de preuve afin de permettre à chaque partie de défendre utilement ses intérêts.

En ce sens, la Cour de cassation a pu décider que :

« constitue une atteinte au principe de l’égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme le fait d’interdire à une partie de faire la preuve d’un élément de fait essentiel pour le succès de ses prétentions ; que par ailleurs, toute atteinte à la vie privée n’est pas interdite, et qu’une telle atteinte peut être justifiée par l’exigence de la protection d’autres intérêts, dont celle des droits de la défense, si elle reste proportionnée au regard des intérêts antinomiques en présence ».

Cass. Com. 15 mai 2007, n° 06-10.606

En outre, dans un avis du 25 janvier 2018, le Défenseur des droits s’est prononcé sur la production d’enregistrements clandestins devant les juridictions civiles, et recommande d’évoluer définitivement vers une recevabilité de ce mode de preuve.

Avis du Défenseur des droits du 25 janvier 2018, n°18-03.

 

Plus récemment encore, plusieurs Cour d’appel ont pu juger recevables des enregistrements sonores dans le cadre de contentieux prud’homaux.

En synthèse, les juges ont pu retenir que la production est recevable dès lors qu’elle est indispensable à l’exercice du droit à la preuve et que l’atteinte à la vie privée est proportionnée au but poursuivi.

Par ailleurs, la Cour de cassation elle-même a pu validé la recevabilité d’un mode de preuve illicite :

« L’illicéité d’un moyen de preuve n’entraine pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ».

Cass. soc., 25 novembre 2020, n° 17-19523

Il s’agissait au cas d’espèce de la production d’adresses IP et fichiers de journalisation par un employeur dans le cadre de la contestation par le salarié de son licenciement.

Ainsi, la Cour de cassation admet qu’il puisse exister, au nom du droit à la preuve et au procès équitable, que puissent être produit, sous conditions, des éléments de preuve obtenus de manière illicite.

Cet assouplissement apporté aux règles de preuve en matière civile tend d’ailleurs à atténuer l’écart existant avec les règles de preuve en matière pénale puisque l’article 427 du Code de procédure pénale dispose :

« Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction.

 Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui ».