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Le salarié subit nécessairement un préjudice en cas de dépassement de la durée de travail maximale

L’arrêt rendu le 26 janvier 2022 (n°20-21636) mérite une attention particulière.

Depuis 2016 la Cour de cassation a instauré puis confirmé sa jurisprudence dite « du préjudice prouvé ».

Ce nouvel arrêt vient toutefois y apporter une dérogation essentielle, sur un sujet qui l’est tout autant.

Qu’est ce que la jurisprudence du « préjudice prouvé »?

Avant son arrêt du 13 avril 2016, la Cour de cassation admettait que certains manquements de l’employeur ouvraient nécessairement droit à indemnisation au profit du salarié.

Y compris en l’absence de préjudice effectif… le salarié n’ayant pas besoin de le démontrer.

C’est un revirement de jurisprudence essentiel qui a été opéré le 13 avril 2016.

La chambre sociale de la Cour de cassation a en effet retenu que le salarié ne pouvait prétendre qu’à l’indemnisation du préjudice réellement subi.

À charge pour lui de démontrer le préjudice subi et son étendue.

En somme: pas de préjudice, pas d’indemnisation.

Même en cas de manquement de l’employeur à une obligation légale ou contractuelle.

La remise en cause d’une « économie » permettait au salarié de tirer tous azimuts, sans avoir (ou très peu) à prouver son préjudice.

Une révolution (que chacun sera libre de qualifier).

 

De rares exceptions à la règle

En marge de la règle nouvellement posée, la Cour de cassation a pu, ponctuellement, dégager quelques exceptions .

Ainsi, il a été retenu que le salarié subit nécessairement un préjudice du seul fait notamment:

 

Une nouvelle exception: le dépassement de la durée maximale

L’arrêt du 26 janvier 2022 apporte une exception supplémentaire à la liste qui figure ci-dessus : le dépassement de la durée maximale hebdomadaire.

Exception qui pourrait en appeler d’autres

La situation était celle d’un salarié réclamant des dommages-intérêts à raison de la violation de la durée hebdomadaire maximale du travail.

Il avait été débouté de sa demande au motif non pas que le dépassement n’était pas prouvé, mais qu’il ne démontrait pas de préjudice.

La Cour de cassation n’approuve pas le raisonnement.

Elle retient en effet que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail, fixé à l’article L 3121-20 (48 heures hebdomadaires) du Code du travail ouvre droit à réparation.

Nul besoin de prouver le préjudice.

La Cour de cassation se fonde sur la jurisprudence de la CJUE, au terme de laquelle le dépassement de la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire constitue en soi une violation de cette disposition sans qu’il soit besoin de démontrer l’existence d’un préjudice spécifique.

Il convient de rappeler que derrière les durées maximales de travail se cache (à peine) l’impératif de protection de la santé des salariés.

Or, la Cour de cassation rappelle régulièrement que la protection de l’état de santé des salariés figure parmi les exigences ayant un caractère constitutionnel.

Ainsi, au-delà d’un simple alignement de la jurisprudence nationale sur la jurisprudence européenne (clairement exposé dans l’arrêt), l’on verra aussi une véritable cohérence avec la montée en puissance de la préservation de la santé des salariés dans la jurisprudence de la Cour de cassation.

Ceci ouvre d’ailleurs d’autres perspectives et il est permis de parier que la solution ainsi dégagée par la Cour de cassation pourrait être étendue plus largement aux différentes limites maximales de travail ou minimales de repos.