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Mise à pied conservatoire ou disciplinaire?

Dans le cadre d’une relation de travail, l’employeur a la possibilité de mettre à pied un salarié.

Attention cependant: toutes les mises à pied ne se ressemblent pas!

Les unes sont disciplinaire, les autres sont conservatoires.

Focus sur les spécificités des unes et des autres, et les risques juridiques en cas d’erreur, à la lumière de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 2 février 2022 (n°20-14782)

 

La mise à pied disciplinaire est une sanction

L’employeur dispose d’un pouvoir de direction et d’un pouvoir de discipline.

Ce dernier lui permet, lorsqu’il estime qu’un salarié a commis une faute, de le sanctionner.

Cette sanction peut être un avertissement, un blâme, une mise à pied disciplinaire, un rétrogradation ou une mutation disciplinaire, et le cas échéant un licenciement.

La mise en pied, lorsqu’elle est disciplinaire, prend donc place dans un panel de sanctions dans lequel l’employeur pourra piocher.

Cette mise à pied se traduira concrètement par une suspension de l’exécution par le salarié de son travail de quelques jours, période pendant laquelle il ne percevra pas de salaire.

Toute autre est la mise à pied conservatoire.  

La mise à pied conservatoire n’est pas une sanction

La mise à pied conservatoire ne peut pas exister sans procédure de licenciement concomitante.

Elle permet à l’employeur de mettre le salarié concerné immédiatement à l’écart.

Une condition (parmi d’autres) cependant: que la procédure de licenciement soit susceptible d’aboutir à un licenciement pour faute grave (ou lourde).

Le salarié sera donc dispensé d’activité et écarté de son environnement professionnel le temps de la procédure.

A l’issue, deux possibilités.

Soit le licenciement est notifié pour une faute grave ou faute lourde: dans ce cas, la période de mise à pied conservatoire ne sera pas rémunérée.

Soit le licenciement n’est pas notifié, ou pour un motif autre qu’une fate grave ou faute lourde: dans ce cas, la période de mise à pied sera rémunérée.

De la nécessité de bien gérer sa mise à pied conservatoire

Comme indiqué, la mise à pied conservatoire ne peut pas exister sans procédure de licenciement engagée de manière simultanée, et en tout cas concomitante.

Et lorsque l’engagement de la procédure de licenciement tarde… la mise à pied conservatoire risque d’être requalifiée en une mise à pied disciplinaire avec des conséquences lourdes sur la validité de l’éventuel licenciement notifié.

L’arrêt du 2 février 2022, n° 20-14.782, en est une nouvelle illustration.

Voici un salarié qui, le 5 octobre é015, est mis à pied à titre conservatoire.

Il ne sera convoqué à un entretien préalable à licenciement que le 4 décembre 2015, puis licencié pour faute grave le 21 décembre 2015.

Le salarié a alors contesté son licenciement devant le Conseil de Prud’hommes.

Au visa de l’article L. 1331-1 du Code du travail, la Chambre sociale de la Cour de cassation retient que:

« aucun fait fautif ne peut donner lieu à double sanction »

« la procédure de licenciement avait été engagée près de deux mois après la notification de la mise à pied conservatoire, et (…) aucun des motifs qu’elle a retenus n’était de nature à justifier ce délai, de sorte que cette mesure présentait un caractère disciplinaire et que l’employeur ne pouvait ensuite décider, à raison des mêmes faits, le licenciement de l’intéressé »

En effet, la tardiveté de l’engagement de la procédure de licenciement dénature la mise à pied et lui ôte son caractère conservatoire pour lui donner un caractère disciplinaire.

Ayant alors déjà sanctionné les faits visés dans la lettre de licenciement du fait de cette mise à pied requalifiée, l’employeur se heurte nécessairement à la règle selon laquelle il n’est pas possible de sanctionner deux fois un même fait.

Il s’agit de la règle « non bis in idem« .

La validité même du licenciement est alors automatiquement remise en cause, sans même qu’il soit nécessaire d’examiner plus avant la lettre de licenciement.

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La Cour de cassation ne fait, par cet arrêt, que rappeler une jurisprudence constante:

Cass. soc., 17 octobre 2018, n° 16-28.773, 15 mai 2019, n° 18-11.669, 27 novembre 2019, n° 18-15.303, 30 septembre 2020, n° 18-25.565