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Porter à la connaissance du procureur de la République des faits semblant anormaux et concernant l’entreprise ne constitue pas en soi une faute

Le salarié est parfois le témoin de faits qu’il estime à tort, ou à raison, contraire à la loi, à l’honnêteté ou à la probité. Se pose alors la question de les dénoncer. Par Bruno CARRIOU, avocat associé au sein du Cabinet IPSO FACTO AVOCATS

RAPPEL SUR LA PROTECTION EN MATIERE DE HARCELEMENT MORAL

L’article L.1152-2 du Code du Travail a introduit une protection spécifique pour les faits de harcèlement moral:

« Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. »
Ainsi, les personnes dénonçant un harcèlement moral ou luttant contre ne peuvent en principe pas être sanctionnées.
Il peut y avoir des sanctions seulement dans le cas où cette dénonciation est de mauvaise foi, si la personne dénonce des faits qu’elle sait faux dans un seul but de nuisance.

C’est notamment le sens de l’arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 6 juin 2012 (n° 10-28345).  

LA PROTECTION DU SALARIE LANCEUR D’ALERTE

Dans un arrêt du 30 juin 2016 (n°15-10557) la Cour de Cassation étend la protection du salarié qui estime devoir dénoncer des faits.
En effet, le fait de porter à la connaissance du procureur de la République des faits concernant l’entreprise qui paraissent anormaux au salarié, ne constitue pas une faute.
La démarche est autorisée que les faits dénoncés soient, ou non, susceptibles de qualification pénale (sauf en cas abus caractérisé).
La motivation de la Cour de Cassation, dans un arrêt qui est promis à une large diffusion, s’explique par le droit des salariés à la liberté d’expression, en particulier au droit de signaler les conduites ou actes illicites constatés eux sur leur lieu de travail.

L’arrêt est rendu sur le fondement de l’article 10.1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, realtif à la liberté d’expression, qui dispose:
« Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations« 
  Ainsi, le licenciement d’un salarié prononcé pour faute, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales est frappé de nullité.   Cass. soc. 30 juin 2016 n° 15-10.557

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