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Qu’est ce qu’une faute lourde en droit du travail et à quoi sert-elle (encore) ?

Dans un arrêt du 28 mars 2018, la Cour de cassation était saisie de la contestation d’un licenciement pour faute lourde. Cet arrêt est l’occasion de revenir sur la définition et la portée de la faute lourde.

En cas de manquement d’un salarié à une obligation légale ou contractuelle, il est susceptible d’avoir commis une faute, laquelle peut conduire l’employeur, en vertu de son pouvoir disciplinaire, à la sanctionner.
La diversité des sanctions possibles répond à une exigence de proportionnalité avec la nature de la faute reprochée.
La sanction peut aller jusqu’au licenciement, lequel est « gradué » entre faute simple, faute grave et faute lourde.

QU’EST-CE QU’UNE FAUTE LOURDE ?

La définition est simple et constante.
La faute lourde est celle qui, présentant un caractère grave nécessitant la rupture et le départ immédiats du salarié, a en plus été commise par celui-ci avec l’intention spécifique de nuire à son employeur (Cass. soc. 22-10-2015 n° 14-11.291 ; Cass. soc. 8-2-2017 n° 15-21.064).
L’exemple donné par l’arrêt du 28 mars 2018 était celui d’une agression physique, volontaire et préméditée de l’employeur par le salarié, à l’origine d’un traumatisme crânien et d’une incapacité de travail d’une durée de 15 jours.
Devant les juges du fonds, le salarié contestait l’intention de nuire.
Il est vrai que des faits de violences sont « habituellement » sanctionnés d’une « simple » faute grave.
Mais dans le cas d’espèce, les juges ont estimé pouvoir caractériser l’existence de cette intention de nuire bien spécifique.
De la même manière, des faits de vol ne sont pas nécessairement de nature à constituer une faute lourde, la question à se poser étant de savoir si en commettant le vol, le salarié fautif cherche simplement à satisfaire un intérêt financier / patrimonial, ou bien si le vol est spécifiquement commis pour nuire à l’employeur : dans le premier cas la faute grave sera retenue, dans le second l’employeur pourra tenter de se placer sur le terrain de la faute lourde.  

QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES DE LA FAUTE LOURDE ?

Les conséquences sont à rechercher sur le terrain des indemnités.
Comme la faute grave, la faute lourde est privative de l’indemnité de licenciement d’une part, de l’indemnité compensatrice de préavis d’autre part.
Jadis, la faute lourde se distinguait par la perte du droit à l’indemnité compensatrice du solde de congés payés d’une part, la possibilité pour l’employeur de rechercher l’indemnisation de son préjudice.
Depuis la décision du Conseil constitutionnel du 2 mars 2016 (n°2015-523), seule demeure l’indemnisation par le salarié des préjudices causés à l’employeur.
Exit la perte du droit aux congés payés.
En l’absence d’intention pour l’employeur de poursuivre la responsabilité civile du salarié fautif en réparation du préjudice subi, il sera donc utilement conseillé à l’employeur de s’interroger sur la pertinence d’aller sur la faute lourde.  

COMMENT SÉCURISER / CONTESTER LE LICENCIEMENT POUR FAUTE LOURDE ?

Comme tout licenciement, le licenciement disciplinaire pour faute lourde peut faire l’objet d’une contestation devant le Conseil de Prud’hommes.
En cas de litige, les éléments de preuve sont fondamentaux, étant précisé que la charge de la preuve de la faute et de sa gravité appartient à l’employeur.
Il lui appartiendra donc, dans le cadre de la préparation, de la conduite et de la défense de la mesure prise de disposer et de justifier de tous les éléments permettant de démontrer :

  • que le fait fautif (dans notre cas l’agression) existe et est imputable au salarié visé par le licenciement ;
  • que le(s) fait(s) reproché(s) au salarié ne permet(tent) par de poursuivre le contrat de travail et que le départ immédiat du salarié, sans possibilité d’exécution du préavis, est indispensable ;
  • que le salarié a commis les faits avec l’intention spécifique de nuire à l’employeur, autrement dit de lui créer un préjudice.

Et en cas de recherche de la responsabilité, il faudra bien évidemment ajouter tous les éléments de preuve permettant d’établir l’existence du préjudice et un lien cette causalité avec l’agissement fautif.   A l’inverse, pour tenter de contester le licenciement, le salarié aura vocation à démontrer :

  • que la faute n’existe pas (le cas échéant qu’elle est prescrite)
  • et/ou que n’en est pas l’auteur
  • et/ou qu’elle ne justifie pas la rupture du contrat
  • et/ou que le préavis pouvait être exécuté le temps du préavis sans préjudice pour la société
  • et/ou qu’il n’y a aucune intention de nuire.

  En présence d’une telle contestation, le Conseil de Prud’hommes pourra juger soit qu’il y a une faute lourde, soit qu’il n’y qu’une faute grave ou simple, soit qu’il n’y a aucune faute.